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Besoins affectifs et sexualité des personnes âgées en institution : le savoir et le "comment faire" Lucette Holstensson, Marie-Odile Rioufol Elsevier Masson
La sexualité des personnes âgées : véritable tabou de notre société pourtant moderne et libérée. Nous acceptons les mariages homosexuels, nous acceptons la PMA, mais pas encore totalement la sexualité de nos parents et de nos grands parents. Et pourtant la sexualité des personnes âgées est bien une réalité.
Le sexe et les vieux : derrière le tabou, un droit essentiel
« À presque 99 ans, Victor n’a pas tiré le rideau de la sexualité. En décembre, ce résident d’un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à La Flèche (Sarthe) a demandé à celle qu’il courtisait depuis un long moment si elle acceptait de franchir le pas. D’aller au-delà des gestes de tendresse. « On était déjà amis depuis des années et puis je l’aime beaucoup », confie Odette, de dix ans sa cadette…. » C’est Ouest-France qui relate cette histoire qui peut paraitre exceptionnelle, mais qui ne l’est pas vraiment.
Toutes les études le prouvent, ce n’est pas parce qu’on prend de l’âge qu’on n’a plus de vie amoureuse ou de vie sexuelle, bien au contraire ! En 2015, les « Archives of Sexual Behavior » révélaient qu’en Angleterre, 54% des hommes et 31% des femmes de plus de 70 ans avaient encore une activité sexuelle.
En France, la sexualité des personnes âgées reste un sujet encore très tabou. Par exemple, quand le journal Le Point évoque la merveilleuse rencontre, en plein confinement, de Jean-Pierre et d’Arlette, deux résidents d’un Ehpad de Bonneuil-sur-Marne âgés respectivement de 84 et 82 ans, tout le monde ne veut y voir que son côté romantique, mais ferme les yeux sur la sexualité qu’elle sous-entend.
La sexualité des personnes âgées, un tabou en quatre points
Mais pourquoi diable les personnes qui prennent de l’âge sont-elles souvent considérées et traitées comme des enfants qu’il faut protéger de tout et surtout de leurs désirs sexuels ? Maïa Mazaurette l’a très bien résumé dans une de ses chroniques du Monde. Pour elle, ce grand tabou qu’est la sexualité des personnes âgées s’explique en trois points. A commencer par la tradition judéo-chrétienne. « Parce que la sexualité post-ménopause échappe à la reproduction, elle devient douteuse. »
Vient ensuite l’association systématique de la jeunesse et de la désirabilité. Vieillir signifie pour beaucoup ne plus être ou ne plus se sentir désirable. Enfin, comme le dit si bien la chroniqueuse, « on attend des personnes âgées une forme de renoncement aux plaisirs terrestres, via une sagesse qui les placerait magiquement hors d’atteinte des émotions fortes ». Si on ajoute à cela le fait qu’un enfant, quel que soit son âge, n’arrive ni à imaginer, ni à concevoir que ses parents puissent avoir une vie sexuelle, on comprend mieux le tabou que représente la sexualité des plus âgés et la difficulté qu’on ceux-ci à la faire accepter.
La sexualité, gage de longévité
D’éminents spécialistes ont pourtant prouvé les bienfaits d’une sexualité épanouie chez les plus de soixante-dix ans. Le professeur anglais, David Weeks et son équipe, de l’Hôpital royal d’Edimbourd, affirment ainsi que les personnes ayant une activité sexuelle régulière gagnent en moyenne dix ans d’espérance de vie et font de 7 à 12 ans plus jeunes que leur âge. En 2017, des chercheurs de la Florida State University ont montré que la satisfaction sexuelle durait 48 heures après les rapports sexuels.
De nombreuses études prouvent que l’activité sexuelle libère différentes hormones dont l’ocytocine (hormone du bonheur), la sérotonine (hormone de la satisfaction, du plaisir et du bien-être) et des endorphines (hormone de l’euphorie). Sans compter qu’elle booste le cerveau de manière bien plus efficace que tous les mots croisés et tous les sudokus de la terre ! Bref, contrairement aux idées reçues, la sexualité n’est que bénéfique pour les personnes âgées. Alors, qu’est-ce qui bloque à la fois chez les proches et chez les soignants ? Pourquoi ont-ils tant de mal à envisager et à accepter ce qui fait pourtant intégrante de la vie, de leur vie ?
Les soignants ont leur rôle à jouer
Les proches, on l’a vu un peu plus haut, ont tendance à voir leurs aînés comme des sages « débarrassés » de toute libido. Quant aux soignants, ce sont les plus mal placés parce que tiraillés entre les résidents et leurs proches. Dans la Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante est pourtant inscrit le droit à l’intimité dans les EHPAD.
L’article 4 précise même qu’une personne âgée « doit être protégée des actions visant à la séparer d’un tiers avec qui, de façon mutuellement consentie, elle entretient ou souhaite avoir une relation intime ». Reste que la sexualité des personnes très âgées laisse encore trop souvent les professionnels désemparés, surtout qu’elle est source de conflits avec les proches.
Partant du principe que les résidents doivent pouvoir nouer de nouvelles relations d’amour en toute intimité, l’ANESM (agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), aujourd’hui rattachée à la Haute Autorité de santé, recommande aux établissements de réfléchir à cette question en mettant par exemple à la disposition des couples des lits à deux places.
D’une manière plus générale, il s’agit de se demander au nom de quoi on interdirait à une personne de vivre ses envies et ses désirs sous prétexte qu’elle vieillit. Et de décider de ne rien interdire. Surtout dans le domaine de la sexualité !
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